Quatre auteur-e-s ont plongé – physiquement et/ou mentalement – dans quatre parcs genevois et ont converti leurs immersions en textes poétiques. Jean Firmann a été au parc La Grange, Philippe Constantin au parc de l’Ariana, Lorenzo Menoud au parc Bertrand, Silvia Härri au parc de la Perle du Lac Une proposition de l’association Poésie ambulante. Lorenzo Menoud – Parc Bertrand («Un parc qui a presque la forme d’un P ai-je remarqué») 1. je me suis égaré, je marchais suis arrivé dans un parc me suis perdu, dont j’ai oublié le nom, la ville même où il se trouve, « je ne sais bien redire comment j’y entrai »[1], dans un parc qui a presque la forme d’un P ai-je remarqué en en faisant le tour en y marchant le parcourant en tous sens, le nom du parc de la ville n’ont aucune d’importance, l’observant depuis en haut sur un plan, une carte, la forme d’un P comme PARC d’un P comme PERDU et comme PRESQUE, je me suis fourvoyé éloigné du bon chemin, d’un P comme PARCOURIR et comme PLAN, de haut en bas je déambule de gauche à droite, « j’abandonnai la voie vraie »[2], comme j’écris je me promène, portant la promesse d’y être reconnu et reconnaissant je fais quelques pas ramasse une pierre me baisse, une PIERRE qui commence par un P, comme se PROMENER, PORTER, PROMESSE comme PAS, les pas que je fais alors, une pierre qui a la forme d’un P comme PAR dans « parc » dans le parc, une pierre grise qui ne se distingue en rien d’autres pierres grises je vous l’assure, « pierre » comme « perdu » « pierre » comme « presque » « pierre » comme « parc » comme le P de la forme du parc où je me promène à ce moment-là, et je reconnais la pierre, elle m’est familière je l’ai déjà vue je ne sais plus où, à quelle occasion, « promesse » comme « presque » « promesse » comme « parc » « promesse » comme « perdu » comme le P de la forme du parc, je la tiens dans la main, la pierre la promesse, a la forme d’un P comme PLU(S) commence par un P, les pierres les promesses, leurs identités multiples, je la porte dans le parc, ainsi les êtres humains, la garde dans la main fermée, la promesse de la pierre la promesse de la dureté qui lui est associée la promesse de la stabilité sous mes pieds la fermeté de la promesse d’une décision, alors que tout bouge tout le temps dans le monde autour de moi, en dedans, dans ce parc qui a la forme d’un P comme le mot PIEDS, j’avance encore ramasse une branche, je pose la pierre la promesse au sol à la place de la branche j’ai déposé préalablement la pierre la promesse et pris de la même main la branche, j’ai déplacé la pierre la promesse, la main gauche, je l’ai mise à la place de la branche, dans un parc qui a la forme d’un P comme le P de POSER de PLACE de PRÉALABLEMENT et de PRENDRE, je me baisse et saisis cette partie d’arbre cette portion, tronçon d’arbre tombé au sol, PARTIE et PORTION d’arbre commençant par la lettre P la lettre P qui donne forme à ce parc, j’avance dans ce décor comme on se déplace dans un rêve, « alors il s’ébranla, et je suivis ses pas »[3] fin de la première partie 2. c’est une branche une branche de pin, un pin noir d’Autriche me souffle-t-on, le parc a donc la forme d’un P comme PIN, le parc a la forme d’un P non pas comme « noir » ni comme « Autriche », non pas comme « Allemagne » ni comme « Suisse » commenceraient par un P, ni même comme « Genève », ça me revient, je suis à Genève, dans un parc, éperdu, le parc Bertherend, du nom d’une femme, Berthe, d’une femme enceinte, une femme au physique passionné qui vient s’y promener, elle s’y rend, Berthe, avec son enfant à naître dans le ventre et qui parfois, nauséeuse, Berthe, y vomit d’où le nom de ce parc qui a la forme d’un P comme PHYSIQUE PARFOIS PASSIONNÉ commencent par la lettre P, Bertherend signifiant à la fois que Berthe se rend au parc et que Berthe rend dans le parc, un parc où elle se penche et dessine avec sa silhouette comme le P de « parc » et de se PENCHER, un parc qui désormais possède un nom, un parc que l’on a reconnu, et dont le nom a toujours été mal orthographié, dont le nom n’a jamais tenu compte de cette femme, Berthe, qui s’y promène régulièrement, un parc en forme de P qui se trouve à proximité d’un autre parc, comme POSSÉDER et PROXIMITÉ, qui se situe à côté du parc dit « des Contamines », un parc qui, au contraire du parc Bertherend, le parc des Contamines a ostensiblement la forme d’un O, ai-je remarqué, pour autant qu’une lettre puisse être le contraire d’une autre lettre, que le P soit le contraire du O et le O du P, ce dont je doute, bien que l’on puisse dire d’un parc qu’il a la forme d’un P contrairement à un autre parc qui aurait la forme d’un O, sans devoir dire que P est contraire à O, une lettre étant plutôt la négation de toutes les autres lettres, mais pas son contraire, par conséquent P étant non-A non-R et non-C, alors ces deux parcs ensemble, le parc de l’enfance et celui de la bourgeoisie, le parc où tout est encore possible et le parc où tout est déjà perdu, le parc où l’on se baigne nu et celui où l’on se montre habillé, ces deux parcs ici réunis, dont l’un a la forme d’un P comme POUR POUVOIR PLUTÔT POSSIBLE, et dont l’autre a la forme d’un O comme OISEAU OUBLI, comme OUVERTE OSER, ces deux parcs à la suite l’un de l’autre font donc, si on les lit, dans un sens, celui de ma découverte, PO, mais peut-on lire un parc ? tracent ainsi une syllabe sans que l’on ne sache ce que […]