Parc la Grange – Un lieu de rencontres secrètes
Une plongée dans l’imaginaire romanesque du parc La Grange… Aussi longtemps qu’on s’en souvienne,ce parc a été un parc.Un lieu de culte et de culture,dans tous les sens du terme,un lieu où on fait pousser des choses. Les Allobroges, qui étaient les Celtes du coin, faisaient pousser des mégalithes, c’est-à-dire des menhirs.Les Romains du coin, qui étaient en fait des Allobroges devenus romains, faisaient pousser des restes romains,qui avant d’être des restesétaient une villa romaineun peu clinquante,un peu tapageuse,un signe extérieur de richesse.Jésusen 1444fait pousser des poissonsdans le célèbre tableau «La pêche miraculeuse», du peintre Konrad Witz,qui transpose le miracle biblique quelque part au large du parc La Grange.(On peut voir ce tableau au Musée d’art et d’histoire:c’est la plus ancienne image de ce lieuet c’est la plus ancienne représentation réaliste d’un paysagedans l’histoire de la peinture européenne.) On continue. Un certain nombre de membres de la famille Lullinfont pousser un jardin et une villa.Un certain Favre fait pousser une bibliothèque,qu’il remplit de 15’000 livres, à côté de la villa.Un autre Favre fait pousser un alpineum,c’est-à-dire un paysage alpin en toc,mais très bien imité,prenant pour modèle un marécage situé à Faverges, sur le Salève. La Ville de Genève prend possession des lieux en 1918,légués par un petit dernier Favre.Elle fait pousser au cours du siècle qui s’ensuitdes roses,des tortues,des saules pleureurs,des canards,un théâtre,des concerts,une bibliothèque ambulante. Ce parc est un parc, donc.Mais encore?Quel est ce lieu,quelle est la nature de cet endroit?Pour répondre,comme nous sommes ici sur le site Internet d’un réseau de bibliothèques,nous avons parcouru des textes.Le premier dit à peu près ça(on dit «à peu près»parce qu’on l’a fait traduire de l’allemand par Google Translate,en le retouchant juste un petit peu): «Il franchit une haute porte en fer forgé pour entrer dans le parc, encore désert à cette heure matinale. En un gigantesque octogone, découpé en secteurs comme les tranches d’une tarte, poussaient des milliers de roses. Au-delà, Philip aperçut la bâtisse blanche. Appuyé contre la rambarde se tenait Donald Ratoff, gros et court sur pattes, à côté d’un homme grand et mince. Ratoff agita la main. Philip fit un signe en retour. Qui était le deuxième homme? Ratoff ne l’avait pas mentionné. À travers le lit de roses, Philip s’approcha de la maison. «Salut», dit Ratoff, alors que Philip s’avançait vers les deux hommes. Il tendit une main molle et moite, qui se logea dans celle de Philip sans exercer la moindre pression. «Heureux que tu sois venu si vite.» Il présenta le deuxième homme, qui était vêtu d’un costume beige d’été. «M. Günter Parker, commissaire principal, chef de la Commission spéciale 12 juillet.» «Ravi de faire votre connaissance», déclara Parker. Sa poignée de main était ferme. Il avait un visage mince et bronzé, des cheveux blonds coupés court, des sourcils blonds et touffus et des yeux brillants. Commissaire principal – pensa Philip – et pourtant si jeune. Il paraissait étrangement sérieux et triste. Philip se sentit soudain très vieux. Le gros Ratoff, qui affichait une bouche tordue et un crâne sur lequel on ne trouvait pas un cheveu, dit: «Vous savez ce qui s’est passé à Berlin.» «À Berlin?» «Hier après-midi à Spandau. Aux United Remedies. C’est alors que…» «Oh, bien sûr!» Soudain, Philip se souvint de ce qu’il avait vu et entendu sur la chaîne ZDF, juste avant que Simone ne vienne à son appartement. «Un nuage de chlore gazeux s’est échappé d’une chaudière industrielle. Beaucoup de morts. Des centaines d’empoisonnés. Des émissions spéciales à la télé… C’est pour ça que vous…» «Oui, Monsieur Sorel», répondit Parker, qui tenait dans ses main une valise diplomatique. «C’est pour cette raison que nous sommes ici. Quatorze autres personnes sont mortes depuis que vous avez vu le rapport.» «Horrible», déclara Ratoff en baissant le regard vers ses chaussures sur mesure Ferragamo. Les chaussures étaient d’un gris argenté, comme son costume, qu’il avait assorti d’une chemise bleue et d’une cravate à rayures argent et bleues. «Absolument horrible. Souvenez-vous, c’est nous qui avons construit le centre de données.» «Pourquoi?» demanda Philip. «L’accident est-il dû à une erreur du centre de données?» «Nous ne le savons pas», répondit Parker. «L’enquête n’est en cours que depuis hier. Une chose est certaine. Ce n’était pas un accident, c’était une attaque terroriste.» «Terrible, Philip, tout à fait horrible», intervint Ratoff. «Le commissaire principal a ordonné un blackout de l’information. C’est pour cette raison que je t’ai appelé depuis le parc. Ici, nous pouvons parler sans que personne ne nous entende.» «Comment êtes-vous arrivé à Genève si tôt, M. Parker? Je veux dire, avec quel avion?» «Un vol spécial», dit vivement Ratoff. «Nous avons atterri il y a une heure.» «Marchons un peu», dit Parker. Dans l’octogone de roses, l’odeur devenait presque assourdissante. Il n’y avait toujours personne en vue et les oiseaux chantaient encore dans les cimes des arbres. Philip regarda, au-delà du parc, le lac luisant sous le soleil. En 1999, l’auteur autrichien de best-sellers Johannes Mario Simmel(35 romans, 73 millions d’exemplaires, 33 langues),fait donc pousser avec son roman Liebe ist die letzte Brücke («L’amour est le dernier pont»)une intrigue internationaledans le parc La Grange:un lieu où,si l’on en croit l’écrivain,on parvient à se cacher des yeux du monde.Un lieu de rencontres secrètes et de séparation,comme les cavernesminérales ou végétalesdes rituels d’initiation des sociétés tribales –un lieu où l’on passe un certain temps à l’écart,avant de retourner prendre sa place en société,mais transformé-e. C’est ce qui se passedans le deuxième texteque nous avons parcourupour tenter de comprendre la nature de ce lieu –un roman dont la narratrice,Johanne,parcourt trois fois un parc genevois doté de colonnes,en ne sachant pas,puis en espérant,puis en sachantqui elle rencontrera. «La vitrine vibre dans mon dos. La porte a claqué. La journée est finie. Je peux partir plus tôt. La patronne fermera. Je passe par le parc. M’aérer. M’asseoir sur un banc. Observer les reflets du ciel. La douceur de l’air me caresse. Avec gentillesse. Je rejoins les dalles sous les arcades. Entendre le son de mes pas. J’avance. […]