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Tapez «Frankenstein» 
dans l’option «images» 
d’un moteur de recherche, 
vous obtiendrez 
des centaines de portraits du monstre
avec sa tête rafistolée, 
et aucune image de Frankenstein lui-même, 
Victor de son prénom, 
qui de ce monstre est 
pour ainsi dire 
le géniteur. 
Dans la culture ambiante, 
peut-être depuis le film de 1931 avec Boris Karloff, 
on confond en effet 
l’un et l’autre, 
la créature et le créateur. 
Cette bévue ordinaire 
est le point de départ d’un texte 
du philosophe et anthropologue Bruno Latour, 
à qui nous sous-traitons 
notre conclusion. 
Je cite:
«"Tout comme nous confondons Frankenstein avec le monstre, nous nous méprenons sur le véritable péché du Dr Frankenstein. Car le crime du Dr Frankenstein n'est pas d'avoir inventé une créature par une combinaison d'orgueil et de haute technologie, mais plutôt d'avoir abandonné la créature à elle-même. Lorsque le Dr Frankenstein rencontre sa création sur un glacier dans les Alpes, le monstre affirme qu'il n'est pas né monstre, mais qu'il est devenu un criminel seulement après avoir été laissé seul par son créateur horrifié, qui a fui le laboratoire après que l'horrible chose a pris vie. "Souviens-toi, je suis ta créature", implore le monstre en s’adressant à son créateur. "J'étais bienveillant et bon; la misère a fait de moi un monstre. Rends-moi heureux et je redeviendrai vertueux."» Fin de citation.
Des parallèles 
ont souvent été faits 
entre les agissements de Victor Frankenstein 
et ceux de nos sociétés modernes 
qui ne reculent devant la réalisation d’aucun fantasme 
de fabrication technologique 
et de transformation de la nature.
Nous voilà donc,
citoyennes et citoyens horrifié-e-s
d’une planète où nos créations 
sont en train de se révéler 
comme des monstruosités. 
Mais si on suit 
la suggestion 
de ce texte, 
le problème n’est pas tant 
l’acte de la création 
que celui de l’abandon.
L’erreur 
qui fait basculer l’histoire en tragédie 
ne réside pas 
dans le fait d’avoir fabriqué d’étranges créatures, 
mais dans le fait 
de ne pas s’en être assez occupé-e,
et c’est cette négligence 
qui déclenche 
leur devenir-monstre.
Au bout de ce récit 
qui place un volcan 
aux origines de Frankenstein 
et du Jardin botanique, 
je vous laisse donc avec la suggestion de ce texte
qui en appelle à un principe de responsabilité: 
nous créons des choses 
– apparemment, nous n’arrivons pas à nous en empêcher –
qu’il faut ensuite 
suivre
dans leurs conséquences inattendues
et dont il faut prendre soin 
pour ne pas les abandonner à une trajectoire 
de destruction.
Comme le souffle 
le titre 
de ce bref essai de Bruno Latour, 
publié en 2011 
dans un ouvrage collectif intitulé Love Your Monsters, 
comme le souffle ce titre étrange, 
donc
«Aimez vos monstres. Pourquoi nous devons prendre soin de nos technologies comme nous le faisons de nos enfants»

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